Appel à candidatures – financement doctoral 2022 – Le recours aux autorités administratives indépendantes dans la régulation européenne du numérique

Je lance un appel à candidature pour un financement doctoral sur le thème : “Le recours aux autorités administratives indépendantes dans la régulation européenne du numérique”.

Le laboratoire LBNC dispose d’un seul contrat doctoral pour 2022, et trois sujets ont été déposés, aussi n’y a-t-il pas de garantie que le financement nous soit attribué.

Si la thèse est réellement entreprise, une co-direction sera mise en place avec un collègue publiciste.

Les personnes intéressées sont invités à me contacter après avoir consulté la description ci-dessous ainsi que la page de l’école doctorale dédiée aux financements doctoraux 2022.

Date limite : 22 avril 2022.

Directeur de thèse : (nom + laboratoire) Emmanuel Netter PR 01, LBNC (EA 3788)

emmanuel.netter@univ-avignon.fr

Titre en français : Le recours aux autorités administratives indépendantes dans la régulation européenne du numérique.

Titre en anglais : The recourse to independent administrative authorities in European digital regulation

Mots-clés : droit de la régulation, liberté d’expression en ligne, droit des données à caractère personnel, droit des télécommunications, intelligence artificielle

 

1 – Présentation détaillée du sujet

En 1978, la loi informatique et libertés a été l’occasion de créer, en France, la toute première autorité administrative indépendante (AAI) : la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Le mécanisme a séduit les pouvoirs publics, qui ont créé des AAI dans toutes sortes de domaines : Autorité des Marchés Financiers, Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (banque et assurance), Autorité de la Concurrence…

Les raisons qui justifient le recours à une AAI sont multiples. Il s’agit d’abord de faire apparaître un foyer de compétences spécialisées dans une matière jugée particulièrement technique. Ensuite, là où le juge (judiciaire ou administratif) intervient uniquement en aval pour sanctionner une violation de la loi, l’AAI se caractérise par sa capacité à nouer des relations avec les acteurs d’un secteur en amont. Elle va engager avec eux un dialogue, faire preuve de pédagogie, orienter les pratiques : c’est un véritable pilotage du domaine qui est attendu de l’autorité, ce que l’on désigne désormais sous le nom de « droit de la régulation ».

Le secteur du numérique est peut-être celui dans lequel la montée en puissance des AAI est la plus spectaculaire. Outre la CNIL, dont la dénomination montre bien qu’elle a été créée précisément en réaction aux progrès de l’informatique, on pense à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP, qui est notamment en charge de défendre la neutralité du net) ou à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Cette dernière est issue de la fusion du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). L’ARCOM interpelle par l’étendue de ses compétences en matière numérique : lutte contre la contrefaçon sur les réseaux de pair-à-pair, régulation des mesures techniques de protection des œuvres protégées par la propriété intellectuelle, mais aussi lutte contre la diffusion de fausses informations ou contre la haine en ligne.

Et pourtant, le recours aux AAI peut inquiéter. L’autorité peut prendre des décisions individuelles, y compris des décisions de sanctions, mais elle n’est pas un véritable juge : ses membres sont nommés par le pouvoir politique et ne présentent pas les garanties d’indépendance ni la formation qui sont celles d’un véritable magistrat. De surcroît, contrairement à un juge, l’AAI est parfois créée pour la poursuite d’une finalité particulière (exemple : la protection des données personnelles). En cas de conflit entre la liberté que l’AAI doit spécifiquement défendre et une liberté en sens contraire (par exemple le droit du public à l’information), il n’est pas exclu qu’elle se laisse emporter par un biais en faveur de la première.

On observe également que, dans les domaines régulés par des AAI, la place du juge pénal et du juge civil tendent à se réduire de manière importante. En droit des données personnelles, les sanctions administratives infligées par la CNIL se sont totalement substituées aux sanctions pénales, qui ne sont jamais mises en œuvre par les parquets français. Les actions en responsabilité civile menées par des personnes dont les droits informatique et libertés ont été violés se sont quant à elles comptées sur les doigts des deux mains. A présent que la liberté d’expression en ligne est confiée à l’ARCOM, le juge de droit privé pourrait être évincé de même au profit d’un pilotage exclusivement administratif de la question.

Les grands textes européens sur le numérique, présents (RGPD, directive e-privacy) et à venir (DSA, règlement IA…) reposent sur la désignation d’une autorité de référence, qui en France prendra toujours la physionomie d’une AAI.

La régulation du numérique, objet à enjeux transnationaux par nature, rend indispensables ces institutions spécialisées et flexibles. Or, fragiles en termes de légitimité mais puissantes en termes de compétences, ces objets juridiques non-identifiés pourraient devenir les instruments d’un nouveau modèle de gouvernance à l’échelle de l’UE. Il conviendrait d’observer dans quelle mesure les AAI de la régulation du numérique résolvent ou renouvellent les problématiques classiques au niveau national liées à leur légitimité ainsi que celles, au niveau européen, liées à la légitimité de cet ordre juridique à garantir les droits fondamentaux.

Une recherche approfondie est nécessaire pour constater, analyser et anticiper les effets de cette montée en puissance d’un droit de la régulation confié aux AAI sur la manière dont le droit est appliqué et interprété, sur le rôle du juge étatique, sur les droits et libertés fondamentaux des citoyens ainsi que sur leur contribution à la construction d’une souveraineté numérique européenne.

2 – Présentation du candidat

Une très bonne connaissance du droit du numérique est requise.

Afin d’exploiter la doctrine étrangère en matière de droit européen, le candidat devra justifier d’un excellent niveau de compréhension de l’anglais écrit.

Une connaissance élémentaire des aspects de technique informatique qui sont au fondement du fonctionnement d’internet est également indispensable.

3 Références bibliographiques

Ouvrages, manuels

  • BRUNESSEN BERTRAND (dir.), Les nouveaux modes de production du droit de l’Union européenne, La dialectique du droit institutionnel et du droit matériel, PUR, Coll. Droits européennes, 2018, 356 p.

  • CASSIN F., Le rôle des autorités administratives indépendantes au regard des libertés fondamentales, dir. de C. Goyard, Thèse soutenue publiquement à l’Université Paris 2, Volumes 1 et 2, 1995, 609 p.

  • CASTETS-RENARD C., Droit du marché unique numérique et intelligence artificielle, Bruylant, Coll. Droit de l’Union européenne, 2020, 388 p.

  • DUBITON S., La protection des libertés publiques par les autorités administratives indépendantes, une solution démocratique?, Issy-les-Moulineaux, LGDJ-Lextenso éditions, coll. « Bibliothèque de droit public », 2016, 447 p.

  • FRISON-ROCHE M.-A. (dir.), Internet, Espace d’interrégulation, Dalloz, 2016

  • FRISON-ROCHE M.-A. (dir.), Régulation, Supervision, Compliance, Dalloz, 2017

  • FRISON-ROCHE M.-A. (dir.), Pour une Europe de la Compliance, Dalloz, 2019

  • FRISON-ROCHE M.-A. (dir.), Les outils de la Compliance, Dalloz, 2021

  • J. Mouchette, La magistrature d’influence des autorités administratives indépendantes, Paris, LGDJ, 2019.

  • SOCIÉTÉ DE LEGISLATION COMPARÉE, Autorités administratives, droits fondamentaux et opérateurs économiques, Actes du colloque du 12 octobre 2012, Paris, Société de législation comparée, coll. « Colloques », 2013, 108p.

  • A. Taibi, Le pouvoir répressif des autorités administratives indépendantes de régulation économique : témoin de la consécration d’un ordre répressif administratif, Paris, L’Harmattan, 2018.

  • VAN WAEYENBERGE A., Nouveaux instruments juridiques de l’Union européenne, Evolution de la méthode communautaire, Larcier, Coll. Europe(s), 2016, 372 p.

  • VILAIN Y., WIEDEMANN R., MARCOU G., MASING J., Le modèle des autorités de régulation indépendantes en France et en Allemagne, Paris, Société de législation comparée, 2011, 407 p.

Articles, Contributions

  • AUTIN J.-L., « Le devenir des autorités administratives indépendantes », RFDA, 2010, pp. 875 et s.

  • BLANDIN-OBERNESSER A., « Les questions institutionnelles dans la construction du droit européen du numérique », in, BRUNESSE BERTRAND (dir.), Les nouveaux modes de production du droit de l’Union européenne, La dialectique du droit institutionnel et du droit matériel, PUR, Coll. Droits européennes, 2018, pp. 263-271

  • CHEVALLIER J., « Réflexions sur l’institution des autorités administratives indépendantes », JCP G, 1986, I, n° 3254

  • FELDMAN J.-P., « Les “autorités administratives indépendantes” sont-elles légitimes ? Sur les AAI en général et le Conseil supérieur de l’audiovisuel en particulier », D., 2010, pp. 2852 et s.

  • FRISON-ROCHE M.-A., « Etude dressant un bilan des autorités administratives indépendantes », in Office parlementaire d’évaluation de la législation P. GELARD (rapp.), Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié, Assemblée nationale n°3166 et Sénat n°404, tome 2, 15 juin 2006, 449 p.

  • FRISON-ROCHE M.-A., « Autorités administratives incomprises (AAI) », JCP G, n° 48, 2010, pp. 2206 et s.

  • GAUDEMET Y., « Autorités administratives indépendantes », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA, H. GAUDIN, J.-P. MARGUENAUD, S. RIALS, F. SUDRE (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, Paris, PUF, coll. « Quadrige – Dicos Poche », 2008, pp. 91 et s.

  • HUSTINX P., « The role of data protection authorities », in S. GUTWIRTH, Y. POULLET, P. DE HERT (et alii), Reinventing Data Protection, Dordrecht, Springer, 2009, pp. 131-137

  • P. Idoux (dir.), « Les autorités administratives indépendantes », Droit et Société, n° 93, 2016.

  • MAISL H., « Les autorités indépendantes : protection des libertés ou régulation sociale ? », in C.- A. COLLIARD, G. TIMSIT, Les autorités administratives indépendantes, Paris, PUF, coll. « Les voies du droit », 1988, pp. 75 et s.

  • NERBONNE S., « Le nouveau rôle des autorités de contrôle », in A. GROSJEAN (dir.), Enjeux européens et mondiaux de la protection des données personnelles, Bruxelles, Larcier, Union internationale des Avocats, 2015, pp. 379- 394

  • SABOURIN P., « Les autorités administratives indépendantes, une nouvelle catégorie juridique », AJDA, 1983, pp. 275 et s.

  • VITALIS A., « L’apport à la démocratie des autorités de régulation indépendantes », Revue européenne des sciences sociales, T. XXXI, 1993, n° 97, pp. 183 et s.

  • WIEDERMANN R., « Les autorités administratives indépendantes et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale sur la légitimation démocratique », in G. MARCOU, J. MASING (dir.), Le modèle des autorités de régulation indépendantes en France et en Allemagne, Société de législation comparée, collection de l’UPR de droit comparé, vol. 25, 2011

  • ZILLER J., « Le réseau des protecteurs des données de l’Union européenne et la promotion internationale des autorités indépendantes de protection des données informatiques », in Indépendance(s) : études offertes au professeur Jean-Louis Autin, Presses Université de Montpellier I-CREAM, 2012, pp. 745-760

Rapports

  • Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, La protection des données à caractère personnel dans l’Union européenne : le rôle des autorités nationales chargées de la protection des données – Renforcement de l’architecture des droits fondamentaux au sein de l’UE, Luxembourg, Office des publications de l’Union européenne, 2012, 50 p.

  • Assemblée nationale, rapport d’information fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les autorités administratives indépendantes, par R. Dosière et Ch. Vanneste, n° 2925, 2010, tome 1 & 2.

  • ASSEMBLEE NATIONALE, Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié, Rapport établi au nom de l’office parlementaire d’évaluation de la législation, Assemblée nationale, n° 3166 – Sénat n° 404, juin 2006, tome 2, 449 p., par P. Gélard.

  • (Note rédigée par) AUTORITE DE LA CONCURRENCE, AMF, Arafer, Arcep, CNIL, CRE, CSA, Nouvelles modalités de régulation, La régulation par la donnée, Juillet 2019, 12 p.

  • Conseil d’État, Les autorités administratives indépendantes, rapport public 2001, coll. Les études du Conseil d’État, 2000.

  • CONSEIL NATIONAL DU NUMERIQUE, Concurrence et régulation des plateformes, Etudes de cas sur l’interopérabilité des réseaux sociaux, Juillet 2020, 53 p.

  • Office parlementaire d’évaluation de la législation, rapport sur les autorités administratives indépendantes, par P. Gélard, n° 404, 2006, tome 1 & 2.

  • SENAT, Rapport d’information n° 350 (2006-2007) de M. Bruno RETAILLEAU, Dix Ans Après – La régulation à l’ère numérique, 27 juin 2007

  • Sénat, rapport de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, par M.-H. Desesgaulx et J. Mézard, n° 126, 2015.

  • Sénat, rapport d’information sur les autorités administratives indépendantes, par P. Gélard, n° 616, 2014.

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