Section 1 – Les éléments de l’identité numérique

33. Identité stable, identité construite – Mme Rochfeld estimait à juste titre que l’identité numérique se superpose aux formes d’identité plus anciennes, sociales et juridiques. Elle ne remplace pas l’existant. Au contraire, son noyau semble constitué des éléments de l’identité stable, ces « coordonnées sociales » déjà bien connues du système juridiques, faiblement variables au cours de l’existence, qui pointent vers une et une seule personne physique (I). Autour de ce noyau s’agglomère la pulpe du fruit : un univers infini d’informations extrêmement variables dans leur importance, leur nature, leur support, leur caractère intime ou nuisible. On pourrait la qualifier « d’identité construite », mais le sens de cette expression doit être précisé. L’identité stable est un ensemble d’éléments donnés à l’individu à sa naissance. Leur modification par la suite est, au mieux extrêmement difficile, au pire impossible. L’identité construite, quant à elle, propose une vision — nécessairement partielle, déformée, exagérée, mouvante — du parcours de l’individu, de sa naissance à sa mort. C’est un récit, un journal. Mais il faut relever que, dans cet ensemble bigarré d’événements fondateurs et d’anecdotes, certains sont tout à fait extérieurs à la volonté de l’individu : le fait qu’il développe une maladie, perde un parent proche, soit victime d’un licenciement… Si cette identité est « construite », ce n’est pas tant par son acteur principal que par les forces de traitement numérique, qui en recueillent les traces et les assemblent (II). La manière dont la personne peut agir pour modeler la statue qu’on lui érige sera abordée à la section suivante.